Aujourd’hui, un vieux chibani franco-tunisien m’a interpellé pour que je l’aide à remplir un dossier afin de bénéficier de l’ASPA. En discutant avec lui, je découvre peu à peu les détails de sa vie, et mon cœur se serre. Lorsque je lui demande son adresse postale, il me répond calmement : « J’ai une domiciliation administrative pour mes papiers, mais en réalité, je suis SDF. Je tourne entre les amis qui m’hébergent pour ne pas dormir dehors, surtout en ce froid. » Il portait avec lui un simple sac plastique contenant ses documents administratifs. Toute sa vie, réduite à quelques feuilles.

Alors que je remplis les papiers, je remarque qu’il perçoit une retraite de seulement 540 € par mois. 77 ans. Pas de chez-soi. Une vie à l’abandon. J’ai dû me mordre la langue pour ne pas exploser de colère face à tant d’injustice. Je lui demande s’il a tenté d’obtenir une chambre dans un foyer Adoma. Sa réponse ? « Ils m’ont refusé. »

Et malgré tout cela, cet homme, cet homme que la société a oublié, a gardé le sourire. Il m’a dit, avec une foi et une sérénité désarmantes : « Je remercie le bon Dieu jour et nuit, car je ne me sens pas seul. »

Comment rester insensible devant tant de dignité dans l’épreuve ? Cet homme mérite mieux. Il mérite un monde qui honore des valeurs humaines, un monde où personne ne devrait vivre cette misère à cet âge.

Alors, s’il vous plaît, ne jugez pas trop vite. Ne dites pas : « Pourquoi il ne retourne pas au bled ? » Vous ne savez rien des raisons, des blessures qu’il cache, des choix impossibles auxquels il fait face.

Si je partage cette histoire, ce n’est pas pour susciter de la pitié, mais pour rappeler que chacun de nous peut être un maillon d’une chaîne de solidarité. Si un jour, je devais me retrouver dans cette situation, j’aimerais qu’une main se tende vers moi.

Je fais ce que je peux, avec mes moyens, pour ne pas avoir de regrets. Pour me sentir utile. Pour aider ceux qui en ont le plus besoin. La solidarité n’a pas de prix. Et je le dirai encore et encore : ne laissons pas notre humanité s’effacer.