
Ceux qui avaient 20 ans en 1961 ont aujourd’hui 78 ans. La guerre d’Algérie est encore trop présente dans les esprits, pour être véritablement entrée dans l’histoire. Il aura fallu attendre 51 ans pour que la République reconnaisse avec lucidité « la répression sanglante » de la manifestation de Français musulman d’Algérie à Paris, le 17 octobre 1961, par la voix du Président François Hollande. Des hommes, des femmes qui manifestaient, dans le calme contre le couvre-feu imposé par le préfet de Paris, ont été massacrés, lors d’une sauvage répression. Le bilan des autorités de l’époque faisait état de 2 ou 3 morts. Aujourd’hui, on sait qu’il y a eu des centaines de morts et plus de 100 personnes disparues. Le préfet de Paris de l’époque n’était autre que le très controversé, Maurice Papon. La vocation du souvenir est de soigner les blessures. Le temps fait son œuvre, il nous offre le recul nécessaire pour tirer des drames du passé, les leçons de l’histoire. Beaucoup de Français originaires d’Afrique du Nord ont trouvé l’amour de la France et beaucoup de Français d’Afrique du Nord ont gardé dans leur cœur, l’amour de cette terre qui fut celle de leurs pères. Pourtant, certains ont gardé de la rancœur et ils cultivent la haine. Ces gens sont suspicieux, ils stigmatisent la diversité. Lorsqu’ils voient deux Français issus de la diversité assis autour de la même table, ils crient au communautarisme. Ils ne supportent pas de voir ceux qui ne partagent pas leurs préjugés, revendiquer la souveraineté nationale. Cette attitude raisonne comme un exemple, et ceux-là mêmes qui se sentent rejetés répondent à ce rejet par une forme de chauvinisme aiguë. Alors la spirale de la haine tourmente les esprits des individus les plus fragiles et le serpent de l’incompréhension finit par se mordre la queue. Chacun reste englué dans l’entre soi et ensemble ils sombrent dansl’instinct secret de la décadence. L’histoire ne doit pas être prise au piège des impératifs idéologiques et électoraux. Nul ne peut, sans se noyer dans l’humiliation, tenter de récupérer le drame sanglant d’une décolonisation ratée. Lorsque le politique tente une telle récupération, alors la commémoration officielle altère la mémoire et elle discrédite le passé.
Nasser Lajili

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