
« Nous, on est des pions, des bicots dans des cages à poules, ils ne savent pas quoi faire de nous » ; « on vit dans un système bien huilé et nous on est un peu les boucs émissaires » ; « on nous a parqués dans des cités dortoirs avec rien. C’est normal qu’à un moment donné on fasse des conneries ». Ces témoignages empreints de désespoir, de haine et de révolte sont légions dans « La France nous a lâchés : le sentiment d’injustice chez les jeunes des cités » un ouvrage du sociologue Eric Marlière.
S’il est un personnage de Gennevilliers dont il est difficile de parler, c’est bien Eric Marlière. Cet universitaire, maître de conférences a grandi au 74. Ceux qui connaissent les quartiers de notre ville comprendront de quel milieu social est sorti ce sociologue qui a apporté un éclairage de l’intérieur de ce qu’est la réalité des quartiers populaires. Il a décrit les mécanismes sociologiques et historiques qui ont fait disparaître la culture ouvrière de ces territoires au profit d’une culture de quartier. Chacun d’entre nous doit avoir dans sa bibliothèque ses livres, car ils nous en disent long sur nous-mêmes.
Je parle d’Eric parce qu’il est un ami, lorsque j’ai lu « la France nous a lâchés », j’ai eu l’impression de regarder mes souvenirs de jeunesse dans un miroir. Eric est un homme simple qui pratique cette belle amitié à l’ancienne. Il est doué de cette pudeur de sentiment qu’on trouve chez nos aînés qui vous respectent du regard. Sa bonne humeur et ces plaisanteries affectueuses laissent à peine deviner l’universitaire lucide, l’observateur pénétrant qui regarde notre société et nous en donne des clefs de lecture opérantes.
De ce pur produit d’un quartier populaire, l’école publique a fait émerger le minerai raffiné de l’intelligence. Cette école de la réussite fut un alambic des talents, le creuset de l’instruction qui permettait aux enfants des classes populaires, d’emprunter dans une loyale concurrence, les boulevards de l’ascension sociale. Notre société est juste lorsqu’elle permet au travailleur acharné d’accomplir son dessein et elle est équitable lorsqu’elle le laisse vivre de son génie.
#Gennevilliers

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